De bric et de broc 69
Route ! Ouvre-nous…
Tant est « Lumière » et « Infini » la Route !
Jamais le soleil ne s’y couche,
Ici ou ailleurs... Où que mène
Son asphalte, au pire dans une impasse,
Elle vainc les reflets d’argent de la lune.
À ne jamais se perdre dans
Ses propres et fantasques lacets,
Elle triomphe même des ténèbres
Qui reculent et frissonnent,
En tout endroit du globe
Où son noir ruban se débobine.
Portée par les rayons solaires
Qui en délogent les ombres,
La Route et ses éblouissements,
— Azurés ou divins —
Chassent les vieilles peurs
Tapies dans les obscurités
Des mémoires angoissées
Ployant sous trop de souvenirs.
Fécond exorcisme,
Salutaire et poignant,
La Route dispense
Dans les cœurs
Sa céleste magie,
Une sorte d’état second
Qui génère des visions
Suspendues dans l’espace,
Au milieu des éclats
Que les aurores engendrent ;
Au milieu des lueurs
Que les couchants enfantent.
L’homme apatride
Qui sans cesse voyage
Puise dans la Route
Les forces viscérales,
Quasi existentielles,
Qui nourrissent son âme.
Dans la chaleur du bitume
Qui gagne même ses jambes,
Il sent les choses enfouies
Au fin fond de son être
Refaire soudain surface,
Réapparaître en rêves
Au rythme cadencé
De ses pas sur le sol.
Quand bien même
Y aurait-il une vague
Mélancolie dans son
Regard, tourné vers
Le Lointain, la Route
L’éveille au sens
De toute chose, à la
Beauté du Monde.
Car, l’errant solitaire,
Humain sans qualités,
Dans le don de son être
Aux kilomètres-roi,
Redevient l’enfant
Qui observait les cieux,
Émerveillé de voir
Dans cette immensité,
Ses craintes se dissiper
Au sein d’horizons bleus
Qui donnent au Temps
Des airs d’Éternité.
Écrit entre le 01 et le 03/05/2024
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De bric et de broc 68
Souffle le vent. Viendra l’instant !
Comptes-tu déjà tes matins restants ?
Entre ses bras jadis aimants
Mourraient tant tes tourments
Qu’aujourd’hui — privé d’eux —
À les savoir sous d’autres cieux,
T’oppresse ce Temps qui s’égrène
En silence et, perfidement, t’entraîne.
Souffle le vent. Viendra l’instant !
Comptes-tu déjà tes matins restants ?
Puisque rien ici-bas ne demeure,
— Surtout pas les cœurs qui se leurrent —
Tu laisses les jours et les mois s’écouler ;
Chaque nuit, l’éclat des étoiles te soûler.
À savoir que les amours ne reviennent,
Amer, tu attends que l’Heure vienne.
Souffle le vent. Viendra l’instant !
Comptes-tu déjà tes matins restants ?
Écrit le 25/04/2024
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De bric et de broc 67
À ton cœur enthousiaste
D’adolescente pressée,
Rien ne va assez vite !
À souhaiter tout croquer,
À vouloir tout étreindre,
À prétendre tout aimer
Des choses de la vie
— Malgré l’émergence
De crises innombrables
Qui distillent l’angoisse —
À trop sentir bouillonner
Dans ton corps impatient,
Dans ton esprit mordant,
Les élans tempétueux de
Ton être rebelle, tu veux
Changer le monde, ici
Et maintenant, tout en
Croisant « l’amour », sans
Trop savoir lequel, tant ses
Formes actuelles, multiples
Et déroutantes, transcendent
Classes, sexes et genres.
Poussée depuis peu
Par d’impétueux désirs
Qui sourdent en ton ventre,
Tu ne cherches qu’une chose :
« Attraper au vol » le Temps
Pour faire table rase de cette
Société héritée des adultes
Et que tu abomines. Car,
Dans ta poitrine gronde
Une source colère. Elle
T’assiège et te mène, mais
Tu ne la renies pas. C’est même
Elle que tu te plais à entretenir,
Quand bien même les autres,
Conventionnels à souhait,
La condamnent, timorés
Par nature. Pour ta part,
Ses élans frondeurs, ses
Excès ravageurs, ses partis pris
Aveugles, c’est une seconde nature
Qui t’aide à combattre, avec véhémence,
Les errements d’un monde sur sa fin.
Essaie toutefois
— Même s’il t’en coûte —
D’écouter la voix du vent,
Si sibylline à tes oreilles !
Oui ! murmure-t-elle, la Vie
Exige des renoncements,
Impose d’injustes défaites,
Implique trop de souffrances.
Par nature déroutante et dure,
Il te faudra composer avec elle,
Voire à ses frasque te soumettre.
Crois cependant en toi et ose saisir
La main de celui ou de celle qui t’attire !
Ose emprunter l’âpre et singulier chemin qui
Porte tes projets quoique tu ne puisses savoir
Si tous verront le jour ! Qu’importe ! Tu es venue
En ce monde, poussée par un seul but : te nourrir
D’expériences, formatrices des âmes et des cœurs.
Et, tôt ou tard, lorsque viendra l’heure de partir,
Dans quelque bras que tu sois — ou non ! —,
Accepte l’inéluctable échéance sans d’amers
Regrets ou de vifs tourments ! À l’Après, souris !
L’univers, quant à lui, oubliera
Ton passage, fécond mais
Fugace. Il continuera,
Sans arrêt, de croître,
Soumis à la Nécessité
De même qu’au Hasard !
Ne restera de toi, poussières
Devenues, que quelques atomes
Épars, gravitant dans l’espace,
En quête d’agrégats stellaires
Perdus dans des trous noirs.
Écrit entre le 15 et le 18/04/2024
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2024-04-18 Philippe Parrot bric broc 67 (VidéoYouTube)
2024-04-18 Philippe Parrot bric broc 67 (Fichier PDF)
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De bric et de broc 66
Ta fenêtre s’ouvre-t-elle sur la Place du Marché
Où dorment sur des bancs des clochards éméchés
Tandis qu’impassible, passe un notaire en chapeau ?
Oh ! Tu t’en fous royalement. Mal dans ta peau,
Rebelle et en colère, lâchée par un père
SDF et une mère toxico, tu erres…
Placée, par défaut, dans un hôtel
Par les Services Sociaux, à quels
Miracles pouvais-tu encore croire ?
D’abattements en peines et déboires,
D’accueils en courts séjours, de dérives
En ruptures, tu as choisi l’Autre-Rive.
Car, dans le monde oppressant des damnés,
Plein d’histoires sordides et de destins brisés,
À survivre — quinze ans — ballottée par les flots
De mers tumultueuses privées du moindre îlot,
En ce 25 janvier, au Cap Horn des impasses,
Jonchées de songes noirs, de guerre lasse,
Le doute a disparu. Entre souffrir et mourir,
Tu as soudain tranché. À ne plus savoir rire,
À voir tes prières rester lettre morte, portées
Par l’inhumaine tempête qui brise les jetées
Où les cœurs trop amers croient se réfugier,
À ne plus espérer qu’une main prête à choyer,
Venue d’un autre temps et d’un autre univers,
Ne se tende vers toi — malgré le doux hiver —
Affamée d’espérances, détruite par tes luttes,
En révoltée, « incasable » et blessée, en butte
À trop de vexations et bien trop d’abandons,
Dans le No man's land d’une vie trop bidon,
Jalonnée de « losers » déboussolés, d’éducs
Sans vrais moyens, d’indésirables trouducs,
Pour fuir ce merdier, dans ta chambre d’hôtel
— Sur un coup de tête ? — tu t’es donnée des ailes.
À l’espagnolette, épuisée de crier ta détresse,
De quémander en vain un regard de tendresse,
Lasse, de lieu en lieu, de transfert en placement,
De te perdre sans jamais croiser d’êtres aimants,
Seule, devant le lit défait, dans le décor sinistre
D’une usine à sommeil où, sur le gros registre,
Ne restera de toi que le prénom — vite oublié —
D’une ado, à l’âme au peur et au revers chevillée,
À bout, sans avenir que la rage, tu t’es pendue !
Dis, Lily, trouveras-tu la paix dans les Nues ?
Écrit le 15/02/2024
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2024-02-15 Philippe Parrot bric broc 66 (VidéoYouTube)
2024-02-15 Philippe Parrot bric broc 66 (Fichier PDF)
Ce poème est dédié à la mémoire de Lily, 15 ans, suivie par les Services Sociaux et décédée par pendaison, le 25 janvier 2024, dans une chambre d'hôtel près de Clermont-Ferrand
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De bric et de broc 65
Comme vraiment rien,
Hélas, ne nous retient
— Pas même, aériens,
Quelques célestes liens —
À cause de maint enjeu quotidien,
Sous prétexte de savoir ce qui est « bien »,
— En fait, pour assouvir des désirs peu chrétiens —
Nous détruisons systématiquement ce que la Terre contient,
Cachant, derrière le prétendu « Principe de Réalité » qu’on soutient,
Une hydre : notre destructrice volonté de puissance de Terrien !
Écrit le 11/01/2024
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2024-01-11 Philippe Parrot bric broc 65 (VidéoYouTube)
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De bric et de broc 64
Nos heures s’écoulent-elles sans heurt,
Comme des gouttes d’eau de pluie ?
À remarquer que non, mon cœur
Aspire à sombrer chaque nuit.
Car, ses profondeurs sont si douces
À ma chair et mon âme endormies
Que viennent, à la rescousse,
Maints rêves sans répit...
Ils me transportent alors si loin,
Bien au-delà des terres et des toits,
Qu’en ces ailleurs, je ressens moins
Le noir désir d’en finir avec soi...
Bien qu’il soit tellement bête,
— Sans trop savoir pourquoi —
De n’avoir qu’en tête
De mourir, ma foi !
Écrit le 03/01/2024
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2024-01-03 Philippe Parrot bric broc 64 (VidéoYouTube)
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De bric et de broc 63
Les lys dans les vases
— Ô blancheur étincelante,
Ô pénétrante fragrance —
En étoiles éphémères
De nos pas incertains,
Éclairent, d’un pur éclat,
Les noires nuits profondes
De nos âmes dans l’errance,
Portées par des croyances,
Écume virevoltante de sens
Et de pourquoi à la surface
D’oniriques bleus abysses
Où se fracassent nos rêves
D’impossibles rédemptions.
Qu’elles s’avèrent éprouvantes
Ces visions crépusculaires,
Submergées brusquement
— Au milieu des Ténèbres —
Par d’indescriptibles peurs !
Dans les interstices des circonvolutions
De nos cerveaux, trop souvent orientés ;
Dans les encres des pleins et des déliés
De nos mots, trop souvent incompris, se
Pourrait-il qu’un jour, une voie alternative,
Menant « Ailleurs », se glisse à notre insu ?
Elle allégerait le poids des consciences
Qui — à porter l’épuisant fardeau des fautes
Et des erreurs ; des hontes et des remords —
Renoncent à croire en un réconfortant possible :
L’espoir d’un « Pardon », seul vrai gage d’Amour !
Écrit le 13/12/2023
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2023-12-13 Philippe Parrot bric broc 63 (VidéoYouTube)
2023-12-13 Philippe Parrot bric broc 63 (Fichier PDF)
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De bric et de broc 62
Seul en cet endroit,
— Pour une obscure raison,
L’unique rescapé d’une
Campagne d’abattage —
Au sommet d’une ravine
Au fond de laquelle coule
Un ru discret, totalement
Recouvert de cresson, et,
Sur ses berges pentues,
De luxuriantes fougères,
Haut, élancé et puissant
— Tellement incongru
Dans sa raide posture
D’Implorant, tourné
Vers les Cieux ! —
Se dresse, en vigie
Protectrice d’une
Nature aux abois,
Un vieux chêne
Centenaire...
Quoique sa frondaison ait
Été sectionnée — l’amputant
De ces formes harmonieuses
Qui confèrent à « cet » arbre
Sa beauté légendaire —
Marcheurs empressés
Qui passaient par là,
Portez un bref instant
Un regard consterné sur
Son feuillage massacré
Dont le sot étêtage trahit
La volonté des hommes
De constamment dominer,
Satisfaits de couper et débiter
— D’un coup de tronçonneuse,
L’affaire d’une seconde —
Mainte branche maîtresse
Qui mirent des décennies
Pour croître puis embellir !
Impassible muette victime
Du funeste orgueil humain
Qui s’emploie à soumettre
Toute chose sur cette Terre
À ses débiles frasques !
Oui ! Vous qui passez par là,
Enclins à voir dans cette coupe,
L’affligeante preuve d’appartenir
À une espèce, hélas destructrices
Qui emprunte un fatal chemin,
À le regarder, majestueux
Tout de même, peut-être
Saisirez-vous combien
Nous allons bêtement
De l’avant pour tenter
D’échapper à ce qui nous
Attend tous, obsédés de ne voir
Que ce qui nous rend aveugle ; pressés
De ne désirer que ce qui bientôt s’évanouira ;
Obnubilés de ne faire que ce qui nous pousse à
Défaire ; disposés à ne bavasser que pour mieux fuir
La peur des oppressantes vérités tapies dans nos silences ?
Ne nous reste plus alors
Pour échapper au Temps
Qu’à s’arrêter une minute
Au pied de son tronc digne
Afin qu’il nous enseigne
Sa mutique sagesse
Qui lui fait accepter
Les aléas du monde
Et sa propre finitude
Avec tant de hauteur !
Écrit le 07/12/2023
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2023-12-07 Philippe Parrot bric broc 62 (VidéoYouTube)
2023-12-07 Philippe Parrot bric broc 62 (Fichier PDF)
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De bric et de broc 61
À errer dans les rues
En butte au radical déni
Du monde qui l’entoure,
Elle hait le bonheur factice
De nous autres, sots adultes
Vendus aux marchandises.
Du haut de ses quinze ans,
— En vestale de la Mort
Qui l’habite et l’attire —
Elle s’affiche « gothique »
Et voue un culte morbide
Aux anges destructeurs.
Maquillage outrancier
— Ses lèvres rouge écarlate,
Le pourtour de ses yeux
Tout noirci par du khôl —
D’un air archiprovocateur,
Elle toise les badauds.
Des piercings sur les lèvres,
Deux boucles dans le nez,
Des anneaux aux oreilles,
Elle arbore ces métaux,
Lourde armure dérisoire
De quels stériles combats ?
En diablesse aguicheuse,
Dans son short ultra-court
Et ses bas noirs résille
— Sciemment lacérés pour
À coup sûr choquer —
Elle se sait sulfureuse.
* * * *
Quand le vent se lèvera
Pour pousser au loin
Les étoiles rageuses
Brillant dans ses yeux,
Parmi les feux du Monde,
Qui percevra les siens ?
Personne ! Elle dérange
Tellement nos chers
Bonheurs terrestres
Qu’une chape pesante
Étouffe nos cœurs froids.
Chacun la croise sans la voir.
Au bout de quelle nuit,
Au terme de quel voyage,
Son ombre est-elle passée
Dans mon champ de vision ?
Dans l’aube de la folle cité,
La croiser m’a troublé !
Je n’oublierai jamais ce
Visage livide, inquiétant
À dessein, ce regard
Pénétrant dévoré par
Des flammes d’enfer.
Quelle colère cachait-il ?
Écrit le 30/11/2023
par auteurphilippeparrot.unblog.fr ©
2023-11-30 Philippe Parrot bric broc 61 (VidéoYouTube)
2023-11-30 Philippe Parrot bric broc 61 (Fichier PDF)
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De bric et de broc 60
Dans l’aire
De nos esprits
Heureusement qu’une
Kyrielle de représentations
— Conceptuelles ou imagées —
Nourrissent nos êtres insatisfaits !
Elles suscitent
Dans nos cœurs
De fulgurants émois.
Elles génèrent
Dans nos voix
De vibrants accents.
Elles enfantent
Dans nos mains
De belles créations.
Elles engendrent
Dans nos poitrines
De permanents désirs.
Ainsi donnent-elles un sens
À nos destins anonymes
D’hommes déboussolés,
Perdus dans les cités,
Noyés parmi la foule !
À nous aider aussi
À structurer le Temps :
Le passé en souvenirs,
Le présent en actions,
Le futur en projets,
Elles inscrivent
Nos vies dans un
Devenir structurant
Jusqu’au jour du départ
Où elles se dissoudront,
Délaissées par nos corps,
Tant usés par les ans
Qu’ils rêvent de Néant.
Écrit le 23/11/2023